les ga'bonheur

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Vis ma vie d'instit à Libreville...

Cette semaine a été assez calme de notre côté. Les élections présidentielles ont eu lieu samedi et pour notre sécurité on nous conseille de limiter nos déplacements au strict nécessaire... Alors bêtes et disciplinés nous écoutons les conseils et on ne sort pas beaucoup du camp... Tout ça est un peu maigre pour remplir un article, alors aujourd'hui j'ai (enfin...) décidé de revenir sur mon expérience d'instit en maternelle à Libreville. J'ai souvent évoqué l'école ou mes élèves dans de précédents articles, sans pour autant entrer dans le vif du sujet. Parce qu'il y a BEAUCOUP de choses à dire sur cette expérience. Evidemment, quand je dis beaucoup de choses, c'est surtout beaucoup de choses qui m'ont énervée, gênée, dérangée... Les enfants sont mignons (presque tous...), là n'est pas la question, mais l'environnement était spécial !!

 

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Et bien d'abord, je n'ai pas eu d'entretien à proprement dit, pas de question sur mes façons de faire ou de penser, pas de question non plus sur ce que je sais de l'école ou du Gabon, ce que je connais des enfants de maternelle, RIEN... Une rencontre de 2 minutes dans un bureau après avoir déposé mon CV, où les seules choses que l'on me dit c'est que je n'ai pas le droit de poser de vacances hors congés scolaires (sans blague, je ne l'aurais pas deviné...), que j'ai un double niveau dont personne ne veut (cool...), et qu'il ne faut pas regarder sa montre toutes les minutes sur le temps de midi parce que cela a le don d'énerver la directrice. Bon, en réalité je vais très vite me rendre compte que tout l'agace au quotidien... On me dit de revenir le lendemain pour commencer le boulot, c'est bon, je suis instit.

Cela commençait bien, l'école porte le nom d'un parc d'attractions que j'avais visitée quand j'étais petite, avec pour déco plein de mignons petits bonhommes bleus au bonnet blanc. Les classes sont plutôt agréables (à première vue...) avec chacune une couleur, c'est plutôt joyeux tout ça. Les classes sont mixtes, avec des enfants de différentes nationalités, je trouve cela génial pour l'ouverture d'esprit et les échanges qu'on va pouvoir avoir au quotidien !! Et puis ce qui est top, c'est qu'en moins d'un mois j'ai trouvé un boulot, et un chouette boulot, parce qu'instit, c'est chouette, non ??

 

2.jpgouiiiiiiiiiiiiiiii

 

Dès le lendemain, je rencontre quelques collègues et mon atsem Michelle, avec qui je vais travailler toute l'année... Je découvre ma classe, la liste de mes élèves, le matériel, les jouets... Et très vite on m'inonde d'infos. Il faut préparer des étiquettes pour chaque enfant. Mais bon, à moi de voir si je les fais maintenant parce que les noms sont peut-être mal orthographiés (heu...ok...)... Je dois aussi préparer les fiches de travail pour la semaine prochaine parce que c'est mon tour. Il faudra remplir le cahier de présences, le cahier journal avec les fiches faites chaque jour, le cahier d'incidents chaque semaine pour prévenir du moindre petit souci qu'il y a eu dans la classe (on passe d'un pipi dans la culotte à une blessure pendant la récré au vomi sur mes chaussures...), le cahier de matériel pour demander ce dont on aura besoin pour travailler la semaine suivante, parce qu'ici tout est donné au compte-goutte, avec justification et sans se servir soi-même (peinture, feuille, papier toilettes...), il faut demander le nombre exact de copies de fiches dont on aura besoin (pour nous, mais aussi pour les deux autres classes du même niveau, pour ensuite faire le partage de ces fiches et les distribuer à nos collègues...) parce que cela non plus on ne le fait pas seul, on ne fait pas ses copies ici.... Ensuite on m'explique qu'on travaille sur l'année en suivant un programme (ouf, une trame, merci... je suis un peu rassurée). Le programme c'est un petit tableau qui donne une idée de ce que l'on doit aborder en classe et apprendre aux enfants chaque semaine. Bon, le tableau a déjà quelques années et est passé dans pas mal de mains parce qu'il y a beaucoup de dates barrées, réécrites, à nouveau barrées, et rien ne correspond à cette année. Mais bon, au moins, j'ai une trame... Je recale les dates à peu près avec mes collègues, ça ne tombe pas toujours juste avec les vacances mais tant pis, on va faire avec. Donc on travaille en suivant ce programme, et en suivant des thèmes sur toute l'année. Je ne suis pas fan, mais pas le choix. Et alors quand je vois les thèmes, je suis encore moins fan... L'automne, l'hiver, Noël, carnaval, le muguet, fête des mères, fête des pères... Déjà les saisons n'ont aucun rapport avec le Gabon, le muguet ne pousse pas ici et bonjour l'originalité... Mais bon, il faut le faire alors faisons le... J'apprends ensuite que chaque mois il faut faire un bricolage correspondant au thème. Bricolage à faire valider avant la date limite bien sûr, parce qu'on ne fait pas ce qu'on veut. L'idée c'est de mettre des paillettes, beaucoup de paillettes, plus ça brille, plus ça plait !! Pas à moi, mais ce n'est pas pour moi, et j'ai bien compris que je ne devais décider de rien ici... J'ai quand même pris la liberté de changer l'aménagement de ma classe, oulala, quelle rebelle... Enfin bref, en 10 minutes on m'explique tout un tas de choses que je ne retiens pas forcément, qui ne me plaisent pas forcément, mais après tout, je ne suis pas instit dans la vraie vie, alors... allons-y...

 

femme-etonnee.jpgSérieusement ??

 

Après ces histoires administratives, les horaires. Une organisation à la minute près. Les classes doivent être ouvertes à 7H30. Mais l'école est ouverte à 7H10. Du coup, difficile de laisser des petits de 3-4 ans assis sur le banc devant la classe pendant 20 minutes, parfois en pleurs, parfois endormis... Le midi, les parents viennent chercher les enfants à 11H45. Enfin, pour les petites et moyennes sections. Pour les tout petits c'est 11H30. Et pour les grands et les primaires c'est 13H. Facile quand on a un enfant chez les tout petits, un chez les moyens et un en primaire par exemple. Bref... Donc on doit sortir les enfants à 11H40 pétantes de la classe (surtout pas 11H39 ou 11H41), pour qu'ils soient bien assis sur le banc, sac sur le dos et prêts à retrouver les parents pour 11H45. Mais pas le droit de laisser exploser sa joie de voir maman ou papa arriver en courant dans leurs bras. Non, non, on doit attendre sur le banc qu'ils viennent jusqu'à leur enfant, parce que c'est LA maitresse qui décide quand l'enfant peut y aller. Et qu'on ne court pas sur le béton devant la classe. J'y reviendrai, au béton... A 12H les enfants de petite et moyenne section qui sont encore là se regroupent tous ensemble devant une seule classe. Puis à 12H10, c'est la fin de la journée pour les instit qui ne sont pas de service. Celles qui sont de service restent jusqu'à 12H20. Passé cet horaire, les enfants sont emmenés devant les classes des tout petits, ils vont attendre avec le gardien que les parents, ou la nounou, ou le chauffeur viennent les chercher, parfois jusqu'à très tard... Ce qui fait déjà 35 minutes d'attente sur un banc, même moi je n'en pouvais plus... Tout est minuté, mais il ne faut pourtant pas regarder sa montre sans arrêt... Vous avez suivi j'espère, parce que c'est hyper clair tout ça.

 

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J'espère que je ne vous ai pas perdus avec tous mes détails, mais ces histoires d'horaires à la minute près, de cahiers pour ceci et cela, ça rythmait le quotidien...

Les premiers jours ont laissé peu de place à la découverte, il a fallu de suite mettre en place les rituels du matin, de la récré, du midi... Cela se fait plutôt rapidement même si je n'adhère pas à tout !! Rabâcher l'alphabet chaque matin, compter jusqu'à 30, réciter les formes et les couleurs, les jours de la semaine, les mois de l'année... ça va 5 minutes pour moi. D'après mon atsem chaque matin il fallait faire ça de la même façon, trop pour moi. Heureusement internet est une source inépuisable de comptines, poèmes et idées pour varier un peu le quotidien. Les rituels je veux bien, le bourrage de crâne non merci !!

 

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Dès les premiers jours, je vois vite que je vais devoir abandonner un certain nombre de mes principes éducatifs, de mes idées, de mes envies, et en gros d'à peu près tout ce que j'ai appris en 3 années de formation d'éducateur et en quelques années dans diverses structures... Le bien-être de l'enfant, le respect de son rythme, de sa personne, de ses émotions, de sa culture... et j'en passe, tout ça, on oublie !! Ici, on crie, que dis-je on hurle sur les enfants. Même les tout petits. Tout est prétexte à élever la voix : demander (ou plutôt ordonner) à un enfant de s'assoir, se lever, aller aux toilettes, ne pas crier, ne pas taper, travailler, colorier, peindre, dire bonjour, dire au revoir, dire merci... le royaume des cris et de l'intimidation. Même quand ils sont en jeux libres ils n'ont pas le droit de faire ce qu'ils veulent. Il faut rester assis, ne pas mettre de jouets par terre... on doit les faire entrer dans un moule, et bien tasser si jamais ça dépasse et bien étaler si ça ne remplit pas tout le moule... Dans ma classe j'ai essayé de ne pas laisser entrer ce climat angoissant, cette intimidation et cette humiliation omniprésente dans l'établissement. Comment dégouter les enfants de l'école dès leur plus jeune âge ? Et bien on dirait que certains ont la technique !! Bon, je ne dois pas oublier non plus que je ne suis pas dans mon pays, qu'ici les écoles ne fonctionnent pas de la même façon, l'éducation des enfants n'a pas la même place qu'en France, tout ça tout ça, mais les cris et l'humiliation n'ont jamais tiré personne vers le haut, on n'est pas dans un pseudo camp militaire à l'américaine !!

 

dépité.jpgne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer...

 

Après l'humiliation j'ai aussi vu pas mal de moqueries, que ce soit envers les adultes ou les enfants. Histoire d'en finir avec cette histoire d'estime de soi !! Des enfants en surpoids sont montrés du doigt (oui oui par les adultes hein ), certains font rire par leurs tenues, leurs coiffures... Inacceptable pour moi dans un établissement où on est justement censé apprendre le respect des autres... Avec une personne en haut de la hiérarchie qui passe ses journées à gueuler contre tout et tout le monde, normal qu'en dessous cela suive le chemin. On a eu droit plusieurs fois à des "réunions" surprises, on vient frapper à la porte de la classe, et peu importe si on est en pleine activité avec les enfants (après tout, c'est pas comme si on était là pour ça...), il faut monter en salle des profs tout de suite maintenant, sous peine d'entendre gueuler encore un peu plus fort et un peu plus longtemps !! Réunion pour nous rappeler qui est le "boss". Oui, c'est comme ça qu'on nous le dit, le boss ici, c'est elle et personne d'autre, alors on doit faire comme elle dit et pas comme on veut, parce qu'elle décide, et qu'à elle seule elle sait bien mieux que nous tous réunis ce qu'il faut faire pour que l'école tourne bien. Et oui, y a des personnes admirables ici, pleines de qualités et de bon sens... Si au début elle avait le don de m'agacer fortement et de me donner envie de quitter le navire en pleine année scolaire, très vite elle m'a bien fait rire, tellement son comportement est grotesque et digne d'un sketch presque drôle. Je ne suis pas là pour faire de la psychologie de comptoir mais ça doit cacher un gros mal-être tout ce besoin de pouvoir. Ou juste de la bêtise humaine. J'hésite. Enfin bref, l'idée d'avoir un chef sympa avec qui tu prends plaisir à travailler et à mettre en place des projets, on oublie !! D'ailleurs pas de projet ici, on se cantonne au programme (le fameux tableau, les thèmes mensuels, tout ça...), et on ne va pas chercher d'originalité ou de trucs un peu sympas pour égayer le quotidien et éveiller les enfants, non non !! Une correspondance avec une classe française ? Non mais ça va pas, ils vont pas nous faire c***** avec leur correspondance, qu'ils aillent voir une autre école (je cite le boss là). Effectivement, mieux vaut sûrement aller voir ailleurs ce qu'il s'y passe.

 

14171822_10154022695258802_2119495516_n.jpgPas de doute, c'est le boss.

 

Les cris du boss, ce n'est pas seulement envers l'équipe enseignante, ben non, les enfants aussi y ont droit quand même, faut bien partager un peu. Et le plus souvent, on leur hurle dessus dans les meilleurs moments, pendant les fêtes par exemple. A Noël, quand les enfants sont en plein dans leur magie de Noël, qu'ils sont contents de partager des bonbons et un goûter, quelques chansons et jeux, on vient les chercher dans la classe, et là encore une fois c'est au pas de course qu'il faut les faire sortir, en rang, sans parler, pour faire la photo avec le Père Noël. Et tant pis pour ceux qui en ont peur hein, pas de place pour les émotions ici je l'ai déjà dit, il faut faire comme si tout allait bien, et faire une belle photo pour papa et maman , pour leur montrer à quel point on est heureux à l'école... Alors on crie, parce qu'il y en a qui pleurent évidemment. Ben oui, à 3 ans, on n'aime pas forcément être jeté sur les genoux d'un bonhomme en rouge, barbu, qu'on n'a jamais vu. Et que même si on nous rabâche qu'il est gentil parce qu'il apporte des cadeaux, ben c'est flippant quand même. "Arrête de pleureeeeerrrr, pose tes mains sur tes genoux, POSE tes mains sur TES GENOUUUUX, souris, SOURIIIS j'ai dit". Tout ça suivi de commentaires tous plus sympas les uns que les autres sur les petits enfants qui n'ont même pas le courage de s'assoir avec le père Noël... Pas mieux à Carnaval, les enfants sont tirés de leurs classes pour aller se faire prendre en photo par groupe de trois. On se dépêche, on sourit, on baisse les bras, on regarde l'appareil, on dégage vite pour laisser la place aux suivants. Et surtout on se tait.

D'ailleurs c'est en ce jour merveilleux de Carnaval que la boss a semble-t-il dit de gentilles choses à mon sujet. En mon absence bien sûr. Etrangement, quand je suis montée demander des explications dans le bureau, tout allait bien. Ben oui, quand y a plus de public pour faire son cinéma, à quoi bon crier ou humilier les gens. En face à face on perd vite ses moyens et on fait profil bas. Après Carnaval y a la photo de classe, Là aussi on crie. Les enfants sont super contents, ils se sont fait beaux, ont sorti leurs plus beaux habits, les filles sont tressées et souriantes. Mais il faut tout gâcher en hurlant. La première photo on est sage, assis, souriant. La deuxième on lève les bras pour la déconne, parce qu'on sait rigoler ici !! Donc forcément, les enfants veulent de suite lever les bras. "Baisse les bras, souris, BAISSE les bras pour l'instant, BAISSE LES BRAS mais t'es bête ou quoi??? On lève les bras pour la 2ème photo !!". Et non, il est pas bête, il a 4 ans en fait. Et moi ça me fait mourir de rire quand ça ne marche pas comme il faudrait.

 

crier-enfant-maison-2.jpgAAAAAAAAAAAAh, le BOSSSSS, c'est MOI le BOOOSSSSSS

 

Y a pas que pendant les fêtes qu'on leur crie dessus. Ben non, y a aussi à tout moment de la journée, quand l'envie s'en fait ressentir. Un matin l'une de mes élèves arrive en boudant. Je suis habituée c'est comme ça un ou deux jours par semaine. Alors elle attend à l'entrée de la classe et quand ça va mieux et qu'elle se sent prête, elle entre et va jouer. Où est le problème ? Moi aussi le matin des fois j'ai envie de bouder quand j'arrive à l'école, pourtant moi j'ai pas eu à prendre 4 taxis différents, à marcher sous des trombes d'eau, à me lever à 4H30... Mais ce jour là, il ne fallait pas bouder, ben non parce que la grande chef était dans le coin. C'est rare ceci dit, de la voir passer devant les classes le matin. Pas de chance, elle l'a vue bouder : "qu'est-ce que t'as toi à faire la gueule dès le matin ? Je te mets une fessée pour bien démarrer la journée ??". Ah bah oui, comme ça elle va avoir envie d'entrer en classe avec un grand sourire. Je suis bête, je n'y avais pas pensé avant. Y en a qui se prennent des gifles aussi, mais comme la maman est d'accord, on a le droit. Et puis on s'en vante après, d'avoir gifler ce gosse, parce que c'est vrai que c'est marrant. C'est moi qui ne suis pas drôle, et chiante aussi avec mes idées sur le bien-être de l'enfant, sur le respect, la politesse... Parlons-en de la politesse tiens. Un bonjour, un merci, s'il te plait, au revoir, ce sont pour moi les bases de la politesse, mais tout le monde ne partage pas cela. Le peu de fois où la boss passe devant les classes, pas de bonjour, pas d'arrêt devant chaque classe pour demander si ça va (oui, là, j'en demande trop, manquerait plus que je parle de sourire...). Bon c'était pas la seule à faire ça, la plupart des collègues ne savait pas dire bonjour non plus. Je suis trop exigeante je pense.

 

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Au-delà de tout ça, l'organisation était aussi particulière. Une secrétaire qui a aussi une boite de location de châteaux gonflables, ça peut être sympa. Mais quand il s'agit d'exposer les fameux châteaux dans la cour de l'école, bien entendu à l'heure des parents pour faire de la pub, devant les yeux de dizaines d'enfants qui ont juste envie de sauter dedans (mais qui n'ont pas le droit ça va de soi), c'est moins sympa. Avoir une boss qui ouvre une boutique dans l'école en parallèle des activités classiques des lieux, c'est spécial. Mais quand cette boutique est déplacée dans la maison d'à côté, cela entraine forcément une absence de la boss et son bras droit pendant parfois plusieurs heures d'affilée. Quand on a un enfant malade, on ne trouve personne pour appeler les parents. Un enfant qui tombe et se blesse, personne dans le bureau pour nous ouvrir la pharmacie. Quand on a besoin d'un goûter parce qu'un enfant a oublié d'en apporter, personne non plus pour nous ouvrir le bureau et nous donner un petit gâteau... Bref, le cumul d'activités, c'est bien, ça montre une certaine motivation et de l'ambition, mais il faut savoir gérer les deux en même temps. Ca s'appelle l'organisation quoi.

Autre petit truc sympa, l'accès aux toilettes des adultes. Il a été décidé en cours d'année, suite à l'état des toilettes, que ceux-ci seraient fermés à clef, et que la clef resterait au bureau. Il faudra donc aller jusqu'au bureau chercher la clef pour aller faire son petit pipi. Ce qui pouvait se faire en 2 petites minutes en début d'année, prenait parfois 15 minutes en fin d'année. Le temps d'aller au bureau, de le trouver fermé, de chercher où est la personne qui peut m'ouvrir ce bureau, ou encore de trouver qui a la clef des toilettes, d'aller aux toilettes, puis de ramener les clefs... Le mieux c'était encore d'éviter le café ou le thé au petit déjeuner et de ne pas trop boire dans la matinée, pour ne pas trop perturber le déroulement de la classe !!

 

 

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Pas tous les jours faciles d'y retourner...

 

 

Arrivés là, vous devez vous dire, mais pourquoi elle est restée si c'était si pénible au quotidien ? Quelle idée de rester alors que tout va à l'encontre de ses propres principes ? Et bien, parce que j'avais quelques collègues sympas quand même. Arrivée le matin, pas question pour moi d'aller en salle des profs pour remplir mes poumons de tabac (ben oui ici on fume partout, même en salle des profs, sympa l'odeur de tabac froid pour aller faire la classe !!), mais direction la classe d'à côté pour papoter avec Nicole et démarrer la journée d'un bon pied. Ca déjà, c'était sympa. Et puis, je n'aurais pas pu laisser ma classe en plein milieu de l'année scolaire. Mes 25 petits élèves, 14  en petite section et 11 en moyenne, je n'allais pas les laisser alors que j'avais commencer un voyage avec eux. Drôle de sensation le premier jour quand on les entend nous appeler "la maitresse Delphine" toutes les 3 ou 4 secondes. Bon alors ça peut vite être agaçant au bout de quelques semaines d'entendre "la maitreeeeeeeesse, Rania elle a dit que j'avais fait du crabouillage", "la maitreeeesssssssse, Adnan il a détruit mon chateauuuuuuuu", "la maitreeeeeeeeeeeesssseeeeeee, Kimora elle a tiré mes cheveux". Agaçant, mais drôles quand même ces petits. Oui, ici ils disent "la" maitresse. Ca surprend les premiers jours mais on s'y fait vite. Comme à d'autres mots qu'on n'entend pas (ou plus) en France. Ils demandent à aller "pisser", parce qu'ici on parle comme ça, quand ils cassent quelque chose c'est gaspillé, je porte des "babouches" et pas des tongs, le short s'appelle la culotte...

C'était chouette d'avoir plusieurs nationalités réunies dans une classe : des gabonais bien sûr, des français, libanais, marocains, coréens... Les petits gabonais connaissent tous Paris, ou presque, ils pensent que j'habite chez Mickey ou dans la Tour Eiffel. Les petits libanais ont un accent trop mignon "la maitlesse, moi allive pas", les petites françaises étaient pressées de retourner vivre en France pour découvrir la neige, et ma petite coréenne était d'un sérieux incroyable... C'était un chouette ensemble, et tous avaient toujours un tas d'histoires à raconter à tout moment de la journée. Ce qu'ils avaient mangé le matin, le prénom de la maman, les dernières bêtises du petit frère, la voiture des parents en panne, le chien qui a mangé le canapé... La maitresse sait TOUT...

 

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Pendant les récréations, les enfants se défoulent, parfois sous un soleil de plomb... Quand il pleut, il faut rester sur le chemin de béton qui longe les classes. Mais attention, hors de question de courir sur le béton !! Et quand il ne pleut pas, on reste dans l'herbe, et on ne vient pas sur le béton, interdit !! Même moi j'ai du mal à suivre la logique... Et au Gabon, il pleut beaucoup, souvent. Une grosse partie des récréations a eu lieu sur le béton, sans courir bien sûr !! Avant de se défouler, c'est l'heure du goûter, histoire de recharger les batteries et de tenir le coup jusqu'à midi. Ici les enfants ont parfois un vrai repas en guise de goûter... Un sandwich jambon, des chips, une compote, un gâteau et une boisson. D'autres embarquent tout le placard à gâteaux et bonbons... Et pour ceux qui n'ont rien emmené, ils peuvent aller acheter de quoi boire et manger, il y a un kiosque à goûter dans la cour de l'école. Celle qui nous fait les photocopies et distribue le matériel est aussi vendeuse à l'heure de la récréation. Quand c'était mon jour de service pour la récré, j'avais toujours 3-4 élèves collés à mes baskets (ou à mes babouches), qui préfèrent passer la demi-heure de récré à papoter avec la maitresse plutôt que courir sous le soleil... En même temps, la cour de récré c'est juste un carré d'herbe. Pas de jeux, pas de ballon, pas de corde à sauter... Ils peuvent très bien s'occuper sans ça, on est bien d'accord, mais un ballon ou deux c'est pas mal aussi pour jouer ensemble. 

 

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Je suis bien contente d'avoir fait cette année complète avec mes élèves. Certains m'ont plus marquée que d'autres, mais si je n'étais pas allée au bout, je n'aurais pas pu voir qu'ils savaient tous écrire leur prénom tout seul à la fin du mois de mai (mention spéciale à ceux qui ont un prénom composé...). Je n'aurais pas vu non plus que certains enfants de petite section étaient capables d'écrire seuls la date. Que Lilwenn et Lucia-Abigaëlle savaient écrire tout l'alphabet, et ça dans 3 écritures différentes. Je n'aurais pas su non plus que Raed était devenu un peu plus grand et qu'il ne dormait plus dans la chambre de ses parents. Je n'aurais pas su que Lina pouvait finalement terminer un coloriage, et que Yul Hwi connaissait quelques mots de français. Si j'avais quitté l'école en cours d'année, je n'aurais pas pu encourager Anne-Sophie chaque jour pour qu'elle écrive son prénom, avec les lettres dans l'ordre, parce que sinon ça change tout, et voir qu'elle a fini par y arriver. Je n'aurais pas entendu Adnan me réciter mille fois ses poésies pour la fête des mères et la fête des pères (ok, mille fois, j'exagère un peu...). Si j'étais partie, je n'aurais jamais entendu le son de la voix de Jacky, qui a accepté de me parler à partir du jour de ses 4 ans, et qui s'est avéré être un grand bavard au langage élaboré !! Je n'aurais pas eu droit à une chanson pour mon anniversaire, je n'aurais pas vu mon atsem dormir sur le banc de la salle de sport (bon, ça j'aurais aimé l'éviter ahah), et je n'aurais pas entendu Esther me dire qu'elle voudrait la même maitresse l'année prochaine.

Bref, une année scolaire pour voir évoluer 25 enfants, chacun à son rythme, c'est vrai que c'est chouette. Ils arrivent tout petits, en pleurant un matin de septembre, baragouinent quelques mots entre 2 sanglots, ils tiennent à peine leur crayon... Et on se retrouve fin juin, avec des grands enfants qui arrivent en courant avec le sourire aux lèvres (ou en tout cas presque tous) parlent clairement (ou en tout cas presque tous), qui écrivent, qui jouent les uns avec les autres... la liste pourrait être longue !! Et on voit le chemin qu'ils ont parcouru, c'est assez fou.

 

Et le plus fou, c'est d'oser penser et croire que j'y suis un tout petit peu pour quelque chose...

 

dangerecole481copie11.jpgBah ouais, j'aime bien, même si je suis pas une vraie maitresse !!

 

 

Le dernier jour, la cour de l'école a changé de visage. On a eu droit (enfin, les enfants) à quelques châteaux gonflables pour profiter du dernier jour et marquer le coup pour les vacances. Après les avoir regardés plusieurs fois sans avoir le droit d'y toucher en cours d'année, les enfants ont enfin pu jouer dedans. Pour nous les vacances sont arrivées une semaine après les enfants. Une semaine pour tout ranger (on se croirait presque dans D&CO dis donc), tout nettoyer, tout trier. On finit l'année scolaire avec une éponge dans la main, une serpillère, un balai, on lessive les murs, on nettoie tous les jouets... On passe d'instit à femme de ménage c'est assez sympa... Et entre nous, une semaine pour faire tout ça, c'était long. En deux jours c'était fait, mais pas question de nous faire terminer plus tôt, faudrait pas non plus nous payer à rien faire jusqu'à la fin du mois non !! Cette semaine là, on a quand même marqué le coup des vacances par un repas en commun. Tous ensemble, instit ET atsem (c'est bien la première fois qu'on n'est pas séparés tiens), autour d'une même table et de nombreux plats pour fêter la fin de l'année scolaire. Je dois dire que c'était plutôt sympa, même si mon avis sur certains personnages de cet établissement ne changera pas ! J'ai découvert en revanche des filles avec qui je n'avais jamais eu l'occasion de discuter, des atsem qui ont un sens de l'humour détonnant. Elles nous ont fait un show en imitant certaines instits, certains enfants ou parents, et même la boss, c'était énorme. J'ai ri comme jamais je n'avais ri dans cette école !! Il y en a une qui riait jaune bien sûr mais face à une assemblée morte de rire, elle ne pouvait pas trop la ramener. C'était un bon moment pour clôturer cette expérience. En tout cas, merci à mes élèves et aux quelques collègues qui ont fait de cette expérience une aventure plutôt chouette, malgré tous ces désagréments.

 

images.jpgJolie conclusion finalement...

 

Voilà, j'ai tenu une année scolaire entière, sans une journée d'absence, pas un seul retard (je me félicite moi-même parce que personne d'autre ne le fera !!), mais comme les bonnes choses ont une fin, j'ai décidé de ne pas rester ici. Je continue sur le même chemin pourtant parce que je reste instit à Libreville, mais je change de boutique. On dit souvent que l'herbe n'est pas plus verte chez le voisin, mais je vais quand même aller vérifier (ceux qui me connaissent savent bien que je ne tiens pas longtemps au même endroit quoi qu'il arrive...). Et puis, ça ne pourra jamais être pire que là où j'étais, en terme d'accueil, de communication, de management ou encore d'organisation... Déjà, on m'a fait visiter l'école, et rien qu'avec ça, ma nouvelle chef en a déjà fait plus que la précédente... Une nouvelle expérience avec une classe de petite section. Pour l'instant j'ai le temps, je ne reprends que le 13 septembre alors je vais encore profiter un peu de mes vacances, même si nos sorties doivent rester limitées !!

 

14193763_10154022696083802_220398674_n.jpgBon courage à tous !!

 

 

A bientôt pour de nouvelles aventures...

 

 

 

 

 



30/08/2016
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